jeudi 29 septembre 2016

II. Professionnalisation



1. Une synthèse importante : Louis Réau (1908)

         La France est à la traîne, depuis qu’elle a initié le musée public. L’Angleterre aussi, les collections du V&A et BM ne sont pas mieux présentées que celles du Louvre.
         L’excellence de Bode à Berlin, Lichtwark et Brinckmann à Hambourg.
         « on a compris que les musées sont faits pour les collections et qu’il faut les construire pour ainsi dire du dedans au dehors, en modelant le contenant sur le contenu ».

Réau sur l’Ecole du Louvre
         « Elle aurait dû être en même temps qu’un séminaire d’histoire de l’art et un laboratoire de travail scientifique, une école théorique et pratique de muséographie ».
         Pas de cours pour rédiger les catalogues, classer et présenter les tableaux. Les cours dégénèrent en vulgarisation artistique à l’usage des femmes du monde.

Notes complémentaires de Réau en 1909
         « Ils [les Américains] prétendent faire du Musée une institution véritablement démocratique qui, comme l’Église, la maison du Peuple ou l’École, soit un des foyers où se concentre et s’épure la vie de la cité. »
         « La vie d’un musée ne se mesure pas seulement au nombre et à la valeur de ses acquisitions, mais à son influence et à son rayonnement moral » : d’où un droit d’entrée nul, catalogues, étiquettes, commodité, salle de concert, promenades guidées, etc.

2. Le nouveau monde des musées

Charles Wilson Peale
George Brown Goode (1851-1896)
« Le musée est une institution dédiée à la préservation des objets qui illustrent les phénomènes de la nature et les œuvres de l’homme, et à l’utilisation de ceux-ci pour le développement des connaissances, pour la culture et l’épanouissement des gens. »
                                                                                   G. Brown Goode

Les Principles of Museum Administration

         Le musée dans son environnement (relations aux autres lieux de savoir)
         La relation avec la communauté
        responsabilités mutuelles du musée et de sa communauté.
        Le musée est responsable : pour l’avancement de la connaissance ; pour la préservation (par exemple des types), comme annexe de la classe et salle de conf. ; pour donner des informations spécifiques ; pour la culture du public.
         Cinq fondamentaux de l’administration muséale
1.      Une organisation stable et permanente.
2.      Un plan bien défini, adapté à la communauté, spécifique au musée (du but, de la collection)
3.      De bonnes collections et des moyens pour les créer ou développer, une politique de collection
4.      Du personnel: un musée sans un bon personnel est aussi inefficace qu’une école sans professeur
5.      Un bâtiment simple, sobre, conçu par et pour le personnel et adapté aux buts du musée

Community
         Terme régulièrement utilisé dans les pays anglo-américains, ne connaît pas réellement d’équivalent français,
         l’ensemble des personnes et instances concernées à différents titres :
        1) les publics,
        2) les spécialistes,
        3) [les] autres personnes jouant un rôle dans l’interprétation (presse, artistes…),
        4) ceux qui contribuent au programme éducatif par exemple des groupes artistiques,
        5) [les] dépôts et lieux de conservation, notamment les bibliothèques, les organismes chargés du stockage, les musées 
                                                     (American association of museums, 2002)

Museum Work: 1919 - 1924

Benjamin Ives Gilman

         Contre Goode : Un musée de sciences est une collection de labels et leurs illustrations, un musée d’art est une collection d’objets et leur interprétation
         Les musées sont « des expositions permanentes d’objets réunis en fonction de leurs qualités artistiques (musées de beaux-arts) ou leur valeur éducative, (musées de sciences ou d’arts appliqués) » 
         Gilman et l’œuvre d’art :
         La compréhension d’une œuvre d’art réside dans la pure utilisation des facultés de perception sur un objet de création humaine ; les buts de compréhension artistique et d’instruction s’excluent : « lorsque le règne de l’éducation commence, le règne de l’art se termine. »
         Éclairage (à claire-voie), prévention de la fatigue muséale, exégèse de l’œuvre.

John Cotton Dana

         80 musées vivants sur les 600 que comptent les États-unis. Ceux-là font un travail véritable.
         Les musées conventionnels ne sont que des collections, très peu utiles.
         Le musée comme établissement d’instruction visuelle.

         « Il est aisé pour un musée d’acquérir des objets, il est bien plus difficile d’acquérir des cerveaux ».
         Les cerveaux doivent se battre contre les musées qui ne sont que des bâtiments, les collections et les muséographies à la mode. Ils doivent se battre pour la conception de collections, de bâtiments etc. dédiés à l’éducation de leur communauté.


Paul Valéry, 1923

« Je n’aime pas trop les musées. Il y en a beaucoup d’admirables, il n’en est point de délicieux. Les idées de classement, de conservation et d’utilité publique, qui sont justes et claires, ont peu de rapport avec les délices. »

Contre l’abondance des chefs d’œuvres. Contre « ces solitudes cirées, qui tiennent du temple et du salon, du cimetière et de l’école… Suis-je venu m’instruire, ou chercher mon enchantement, ou bien remplir un devoir et satisfaire aux convenances ? ».

Trop de génie… « Nous devons fatalement succomber. Que faire ? Nous devenons superficiels. Ou bien, nous nous faisons érudits. En matière d’art, l’érudition est une sorte de défaite ». 

Une vision opposée à Proust : « … le chef-d’œuvre que l’on regarde en dînant ne nous donne pas la même enivrante joie qu’on ne doit lui demander que dans une salle de musée, laquelle symbolise bien mieux, par sa nudité et son dépouillement de toute particularités, les espaces intérieurs où l’artiste s’est abstrait pour créer » (Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleur)
Voir Adorno, Valéry-Proust Museum

Henri Focillon, 1921

« On ne va pas pour se renseigner dans les concerts : on essaye d’y être heureux…. Il faut que les musées soient considérés comme des espèces de concerts ».

         Le musée romantique, destiné à l’éducation et la joie des artistes ;
         Le musée de Taine, destiné aux historiens de l’art.
         Troisième point de vue « Quelque paradoxal que cela puisse paraître, je n’hésite pas à dire que les musées sont faits pour le public ». Naissance de l’idée en France (à la Révolution : Conservatoire et pour les artistes)

« Un musée n’est ni un museum ni un laboratoire, c’est un luxe public, une leçon de goût ».

« On vient ici, non pour juger, mais pour apprendre, et, plus encore que pour apprendre, pour être heureux et pour aimer ».

Muséologie ou muséographie ?

« Mais notre but principal est de soumettre à la critique compétente des naturalistes spécialisés en muséologie la conception nouvelle du Musée d’Histoire naturelle »
(Gustave Gilson, 1914)

« il serait aussi très utile de créer un enseignement de muséologie pour éduquer nos employés de Muséum, qui doivent préparer les objets, les conserver, les présenter »
(Adrien Loir, 1922)

« Un grand effort a été entrepris, surtout depuis une vingtaine d’années, dans les divers pays, pour assurer la conservation rationnelle des œuvres d’art, aussi bien que leur mise en valeur. Après cette période d’expériences de tous genres et de réalisations multiples, il importait de faire le point, de marquer l’évolution des principes, des données, des travaux et des programmes des musées, – autant d’éléments qui ont contribué à former un technique nouvelle : la muséographie » (OIM, 1934)

Georges Salles à l’exposition de 1937 (Le Regard)

« La galerie du vestibule est pavoisée de textes. Une petite phrase, que le peintre avait glissée dans sa correspondance, vole au-devant de nous en lettres d’affiche suivie d’un essaim de propos non moins dynamiques. Des gerbes d’images projettent en parcelles chatoyantes l’histoire du génie, ses tourments, son labeur, sa folie, tandis que le caractère typographique s’affirme en noir et blanc et dégage son style » (Salles, 1939 :51)

« À cette fin on se hâte de priver [le grand public] de ce qui jusqu’alors séduisait une soi-disant élite. On y substitue une sorte de leçon de choses, à laquelle seule, paraît-il, sont capables d’atteindre les facultés encore bornées de ces masses. Celles-ci ne tarderont pas à s’apercevoir qu’on leur soustrait ainsi l’essentiel. Lorsque des objets possèdent une valeur plastique, ils détiennent une telle force suggestive qu’il est plus aisé de la rendre perceptible que d’en détourner l’attention » (Salles, 1939 : 55).


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